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Un monde en noir et blanc
9 mai 2011

Le voleur de Bagdad de Raoul Walsh (The thief of Bagdad - 1924)

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Ahmed (Douglas Fairbanks), habile détrousseur de rue, s’empare un jour d’une corde magique dont il se sert pour s’introduire avec son complice (Snitz Edwards) dans le palais du Calife de Bagdad (Brandon Hurst). Mais tandis qu’il s’apprête à dérober le contenu d’un coffret à bijoux, une musique attire soudain son attention : ce sont les servantes de la princesse (Julanne Johnston) qui jouent pour leur maîtresse. Subjugué par la beauté de celle-ci, Ahmed n’a désormais plus qu’une obsession : enlever la jeune femme. Il décide de profiter de l'arrivée prochaine de prétendants à sa main pour mettre à exécution son projet...

 

Le jour de l’anniversaire de la princesse se présentent aux portes du palais le prince des Indes (Noble Johnson), le prince des Perses (Mathilde Comont) et Cham Shang, grand prince des Mongols, roi de Ho-Sho, gouverneur de Wah et de l’île de Wak (Sôjin). Ahmed, qui s’est procuré des habits précieux dans les bazars, se fait quant à lui passer pour le prince des Iles, des Mers et des Sept palaces. La princesse succombe aussitôt à son charme. D’autant qu’une de ses esclaves avait prédit que son futur époux serait celui qui toucherait le rosier de son jardin. Or, suite à l’emballement de sa monture, Ahmed se trouve projeté contre le dit arbuste. La princesse informe donc son père que son choix s’est porté sur ce mystérieux personnage. L’imposture de ce dernier est cependant bientôt découverte par Cham Shang. Ahmed est arrêté sur-le-champ, fouetté et condamné à être mis en pièces par les singes du Calife. Toutefois, l’intervention de la princesse auprès des gardes chargés d’exécuter la sentence lui permet d’avoir la vie sauve…

 

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Mise en demeure de faire un nouveau choix, la princesse déclare, pour gagner du temps, qu’elle prendra pour mari le prince qui lui apportera avant la fin de la septième Lune le trésor le plus rare. Informés des désirs de la jeune femme, les trois prétendants se mettent aussitôt en quête. Mais avant de quitter Bagdad, Cham Shang communique ses instructions à son esclave : il devra s’occuper de lever une armée secrète qui, en temps voulu, permettra au grand Khan de s’emparer de la ville. De son côté, Ahmed se rend à la mosquée où l'imam lui explique qu’il ne conquerra l’élue de son cœur qu’en s’engageant dans le voie de l’humilité. Il devra pour cela gagner la montagne de la Sombre aventure, où il lui faudra affronter un certain nombre d’épreuves...

 

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La première d’entre elles consiste à traverser la Vallée du feu, une grotte envahie de flammes. Puis, après avoir combattu un animal monstrueux, il accède à la Caverne des arbres enchantés, dans laquelle il se voit remettre une carte qui lui permet de rejoindre le vieil homme de la Mer de minuit. Ce dernier l’invite alors à chercher au fond de l’océan une boite cerclée de fer contenant une clef en forme d’étoile. Cependant, à peine l’a-t-il découverte que de nouveaux dangers menacent sa vie : une araignée de mer géante, puis l’image trompeuse de la princesse, qui l’entraîne à l’intérieur d’un palais sous-marin enchanté. Mais Ahmed ne se laisse pas abuser par cette illusion et remonte à la surface, où le vieil homme lui explique que la clef lui ouvrira les portes de la demeure du Cheval ailé. Cette créature fabuleuse le conduira ensuite à la citadelle de la Lune, où il devra trouver un coffre magique caché par une cape d’invisibilité…

 

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La fin de la sixième Lune approche. Les prétendants sont tous les trois entrés en possession d’un trésor d’une grande rareté. Le prince des Perses a ainsi acquis sur le marché de Shiraz un tapis magique. Le prince des Indes s’est quant à lui emparé de l’œil de cristal d’une idole de Kandahar. Cham Shang, pour sa part, a dérobé dans un tombeau de l’île de Wak une pomme d’or capable de ressusciter les morts. Un pouvoir extraordinaire dont il entend se servir pour remporter par la ruse le défi lancé par la princesse : il la fera empoisonner par l’une de ses esclaves mongols (Anna May Wong), puis se présentera au palais du Calife pour la ramener à la vie. Il ne doute pas que ce prodige convaincra la jeune femme de le choisir comme époux…

 

A la veille de rentrer à Bagdad, les princes se retrouvent dans un caravansérail. C’est l’occasion pour eux de présenter le résultat de leur quête. Après quoi, les trois hommes se préparent à se mettre en route pour la dernière étape de leur voyage. Auparavant, le grand Khan propose de vérifier dans la boule de cristal du prince des Indes que la fille du Calife respectera bien sa promesse. Mais celle-ci leur apparaît soudain mourante. Cham Shang affirme alors qu’il pourra la sauver grâce à la pomme d’or. Afin de se rendre plus rapidement à son chevet, le prince des Perses offre de les mener sur son tapis volant…

 

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La princesse échappe in extremis à la mort grâce au fruit miraculeux du prince des Mongols. Cependant, contre toute attente, la jeune femme refuse de se prononcer immédiatement en sa faveur, affirmant que sans la boule de cristal et le tapis volant, il n’aurait pu la secourir. Elle demande donc un délai supplémentaire pour délibérer. Cham Shang, qui vient d’être informé par un de ses serviteurs qu’il peut compter sur la présence de 12 000 hommes en armes dans la place, accepte sans protester sa demande. Mais la nuit venue, les troupes du grand Khan se mettent en ordre de bataille et s’emparent sans coup férir de la cité faiblement défendue. Le nouveau maître dicte aussitôt ses ordres : la princesse devra se soumettre, tandis que son père et les deux autres prétendants seront exécutés.

 

Alors qu’il approche de Bagdad, Ahmed apprend par des habitants en fuite la trahison du prince des Mongols. Lançant aussitôt à toute bride sa monture, le jeune homme arrive bientôt en vue des remparts de la ville. Utilisant alors la poudre magique contenue dans le coffre trouvé dans la citadelle de la Lune, il lève une armée gigantesque, qui provoque la déroute de l’envahisseur. Abandonné par ses partisans, Cham Shang est fait prisonnier. Quant au héros du jour, Ahmed, il se voit enfin accorder la main de sa bien-aimée…

 

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Les contes des Mille et une nuits n’ont cessé d’inspirer le cinéma. Certains sites recensent près de trois cents adaptations. L’une des premières variations sur ce thème date de 1902, avec Ali Baba et les 40 voleurs de Ferdinand Louis Zecca, une scène comique en douze tableaux. Méliès ne fut pas en reste, avec Le palais des mille et une nuits (1905), tout comme Albert Capellani, qui porta à l’écran Aladin et la lampe merveilleuse en 1906. Mais il fallut attendre 1921 pour que sorte l’une des premières grandes productions sur ce thème : Les trois lumières (Der müde Tod), de Fritz Lang, film dont Douglas Fairbanks acquit les droits dans le but, dit-on, d’en retarder la sortie américaine, et ainsi pouvoir copier les effets visuels des séquences persanes pour Le voleur de Bagdad. L’anecdote est plausible, car elle est cohérente avec la forte implication de l’acteur sur ce projet, qui peut d’ailleurs être regardé comme le véritable promoteur de celui-ci. Il ne se contenta en effet pas d’incarner le rôle titre, il en fut aussi le producteur. Il fut également l’un des quatre auteurs du scénario (sous le pseudonyme d’Elton Thomas), avec l’ukrainien Achmed Abdullah, James T O'Donohoe et Lotta Woods. Ce fut lui aussi qui engagea William Cameron Menzies comme décorateur. Enfin, il est clair que la personnalité d’Ahmed doit beaucoup aux valeurs qu’il défendait depuis le début de sa carrière.

 

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En dépit d’une intrigue cousue de fil blanc et d’une morale un brin naïve (le héros, d’abord incroyant et égoïste, se tourne subitement vers la religion en découvrant l’amour), Le voleur de Bagdad est un conte enchanteur qui s’impose encore aujourd’hui par la créativité de ses trucages (voir les épreuves subies par Ahmed dans les montagnes de la Sombre aventure) et la démesure de ses décors. Ces derniers furent conçus par William Cameron Menzies, jeune directeur artistique de 28 ans, qui n’avait alors travaillé que sur une dizaine de films, dont The deep purple, Sérénade et Kindred of the dust de Raoul Walsh, Robin des bois d’Allan Dwan et Rositade Lubitsch. Plus tard, il collaborera, entre autres, avec Frank Borzage (The lady – 1925), George Fitzmaurice (Le fils du cheik – 1926 ; Le signe sur la porte - 1929), Lewis Milestone (Two arabian knights – 1927 ; The garden of Eden – 1928), David Wark Griffith (Drums of love – 1928 ; Le lys du faubourg – 1929 ; Abraham Lincoln – 1930)… Il officiera également sur Autant en emporte le vent (également réalisateur de la seconde équipe), pour lequel il obtint une récompense technique spéciale aux Oscars. Les décors du Voleur de Bagdad reprennent pour partie les structures utilisées pour Robin des bois, notamment le monumental château de Richard Coeur de Lion.

 

Le voleur de Bagdad vaut également par l’interprétation bondissante d’un Douglas Fairbanks alors au sommet de son art. Sa grâce aérienne, proche par moment de la danse, équilibre ce film en contrebalançant certains aspects un peu pesant de cette superproduction. Le jeu de Julanne Johnston apparaît en revanche beaucoup plus daté. A noter deux curiosités dans ce casting : la présence de l’actrice française Mathilde Comont… dans un rôle masculin (le prince des Perses) et celle d'Anna May Wong, la première vedette américaine d’origine chinoise.

 

Née le 3 janvier 1905 dans le quartier de Chinatown, à Los Angeles, Anna May Wong (de son vrai nom Wong Liu Tsong) débuta sa carrière cinématographique en 1919 dans The red lantern d’Albert Capellani (non créditée au générique). C’est en 1922 qu’elle obtint son premier grand rôle, dans le film de Chester M Franklin, The toll of the Sea, dans lequel elle interprétait Fleur de Lotus. Prestation qui fut unanimement saluée par la critique de l’époque : Miss Wong stirs in the spectator all the sympathy her part calls for, and she never repels one by an excess of theatrical feeling. She has a difficult role, a role that is botched nine times out of ten, but hers is the tenth performance. Completely unconscious of the camera, with a fine sense of proportion and remarkable pantomimic accuracy... She should be seen again and often on the screen (The New York Times). Mais cantonnée dans des rôles exotiques, elle décida de relancer sa carrière en Europe, où elle joua dans plusieurs productions majeures (Shanghaï Express de Josef von Sternberg (1932), par exemple).

 

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De retour à Hollywood au milieu des années 1930, elle connut l’humiliation de voir sa candidature refusée par la Metro-Goldwyn-Mayer pour le rôle principal de The good earth (Visages d'Orient ou La terre chinoise) de Sidney Franklin (d’après l’œuvre de Pearl S Buck), au seul prétexte que le Motion picture production code (Code Hays) interdisait les gestes intimes (tel un baiser) entre acteurs issus d’origines ethniques différentes. Luise Rainer, actrice d'origine allemande, lui alors fut préférée, ce qui valut à celle-ci l’Oscar de la meilleure actrice en 1938. Désabusée, Wong tenta sa chance en Chine. Mais victime de la propagande du gouvernement de Tchang Kaï-chek, qui considérait que ses rôles donnaient une mauvaise image du peuple chinois, elle revint en Amérique, où elle tourna dans plusieurs films de série B. Durant la guerre sino-japonaise, elle mit sa carrière entre-parenthèses et consacra son temps à défendre la cause de la Chine. Elle revint à l'écran dans les années 1950 dans plusieurs séries télévisées (dont The gallery of madame Liu-Tsong). Elle mourut d'une crise cardiaque en 1961.

 

Visuellement impressionnant, Le voleur de Bagdad ravira donc tous ceux que le cinéma muet n'indispose pas. Il est disponible dans une très belle édition restaurée avec ses teintes d'époque chez Arte.

 

Ma note : «««««

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Commentaires
A
Très belle mise en page. Tu nous diras si le flux est le même ou supérieur à celui d'allocine et surtout l'installation sur Canalblog est-elle simple ou difficile, question présentation, photos ect ? Tu sais que je suis sur facebook également et tu peux me mettre un message soit sur "La plume et l'image" soit sur ma messagerie personnelle. Bonne continuation. Je suis tentée d'ouvrir un nouveau blog consacré à la littérature et ne garder que le cinéma sur allocine. A bientôt. Mais bravo, c'est super.
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